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Mardi 26 juillet à Arpaillargues 22h

Ljiljana BUTTLER
Chants de Bosnie Herzégovine


Née à Belgrade en 1944, dans une famille de musiciens, elle est la fille d'une chanteuse et d'un accordéoniste. Très jeune, elle étudia le chant et le piano à Bijelijina, une petite ville au nord de la Bosnie. Un soir de concert, sa mère malade, Ljiljana la remplace, et c'est le début d'une grande carrière. Déjà privée à la naissance de son père, sa mère l'abandonne peu après.
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de musique
de Ljiljana



Grande interprète de la musique Sevdah, elle devint très célèbre dans les années 1970. Surnommée "la Mère de l'âme gitane", elle refuse toutes les compromissions liées aux changements de mode. Sa célébrité reste intacte, mais le nombre de concerts diminue. Les "Kafanas", ces immenses restaurants-concerts où elle se produisait perdent leur popularité.
Elle décide d'abandonner la carrière et part s'installer à Dusseldorf. Gardant l'anonymat, elle devient serveuse, femme de ménage pour élever ses enfants.
En 2002, à la demande pressante de ses proches, elle accepte d'enregistrer un disque.
De Mostar, Sarajevo, jusqu'en Serbie accourent ses anciens amis musiciens. Avec toujours cette voix sublime, mais encore plus riche, la "Mère de l'âme gitane" est de retour et nous promet un concert inoubliable.


Dragi Sestic :

Un jeudi soir de juin 2000; tout est calme chez mes parents à Mostar en Bosnie Herzegovine. Dans la chambre, on entend la voix d'une femme enregistrée sur une cassette que mon père m'avait donnée. Malgré la déplorable qualité sonore de cette cassette, je ne peux m'empêcher de ressentir une forte émotion à l'écoute de cette voix ardente et douloureuse à la fois, chaleureuse aussi, si féminine et presque masculine, dans son pouvoir émotionnel. A chaque écoute, j'étais au bord des larmes.

  'Dusko, Dusko,
  Puisque je suis la femme d'un autre homme
  Mon coeur ne peut pas être tranquille.
  J'erre partout,
  Juste pour te revoir, te sentir.
  Dusko, Dusko'
La voix de Ljiljana Petrovic.

Tout cela m'est arrivé pendant la préparation du nouvel enregistrement de Saban Barjamovic, une Légende de la musique gitane, magnifique chanteur disparu lors de la dernière décennie noire dans les balkans; disparu comme bien d'autres. Son retour fut triomphal.
Les connaisseurs (les fidèles) continuent de parler de Ljiliana, avec vénération, mais ils parlent aussi de Sabat, mais dans d'autres termes. Sabat était le Roi de la musique gitane, sauvage, rebelle et romantique. Ils parlent aussi de Ljiljana avec émotion et respect, avec douceur et tendresse. Pensifs et silencieux leurs mémoires sont habitées par sa musique et son écho. Sa tendresse profonde (puissante) ne provenait pas du coeur mais du tréfonds de son âme; et sa voix touchait l'âme de ceux qui l'écoutaient. Ljiljana: la Mère de l'Âme Gitane.
A la première écoute, j'ai su, sans l'ombre d'un doute, que j'allais réaliser son premier album pour notre label Snail Records. Mais se posèrent quelques problèmes... Comme beaucoup, elle avait disparu... Etait-ce avant, pendant ou même après la guerre entre les anciennes républiques de Yougoslavie ? Ou se trouvait-elle ? Etait-elle toujours dans les Balkans ? Ou ailleurs en Europe ? Saban me donna le numéro de téléphone d'une personne qui probablement pouvait me fournir des informations. Pendant tout un mois, ce fut un véritable jeu de piste... les appels téléphoniques furent nombreux et se croisaient à travers toute l'Europe: de Mostar à Sarajevo, de Berlin à Nice, de Belgrade à Zagreb... quand, enfin, on trouva un numéro de téléphone à Düsseldorf.
J'appelais. 'Bonjour, ici Dragi Sestic, j'aimerais parler à Ljiljana Petrovic', une voix grave me répondit 'oui, c'est moi' ... Je reposais ma question sans trop y croire ... mais c'était bien elle, je l'avais enfin trouvée, à Düsseldorf, à quelques centaines de kilomètres d'Amsterdam, où j'habitais. Je lui expliquais alors qui j'étais et la raison de mon appel, elle devint réservée et refusa de me rencontrer. J'insistais, et lui remémorais notre passé commun en Bosnie; elle accepta un rendez-vous ... Deux jours plus tard, nous étions en tête à tête, chez elle, autour d'une table, dans la cuisine de son appartement; et je pus écouter sa merveilleuse voix, si mélancolique, cette voix qui m'avait tellement bouleversé; j'étais sous le charme de personnalité. Ljiljana restait néanmoins sur la défensive. Depuis longtemps, elle avait renoncé à chanter et la musique n'avait plus de place dans sa vie. Elle était devenue "maman" et avait renoncé à sa vie d'artiste pour se consacrer à ses enfants. Je l'écoutais parler, le timbre de sa voix était si triste. J'étais très impressionné par sa stature imposante, il émanait d'elle comme une légère et triste froideur, je pensais à son public, aurait-il ressenti la même impression que moi à cet instant ? Je compris que sa réserve était de la pudeur, et au cours de notre conversation, elle se confia. Je venais de Bosnie Herzegovine, j'aimais Sevdah, notre musique traditionnelle, elle aussi, nous aimions les mêmes lieux, les mêmes musique, nous avions la même culture. Peu à peu elle se détendit et je compris le pourquoi de sa réserve au début de notre rencontre. Elle me raconta sa vie.
Dragi Sestic

                        (translation by Djordje Mat.)