Bastien
    avec les enfants du Yémen










Bastien LAGATTA : depuis 1998, j’ai principalement voyagé dans une zone allant de la corne de l’Afrique à l’Inde, en faisant quelques détours par les pays du Sahara africain. Il y a eu plusieurs « périodes », chacune d’elles motivée par des musiques que j’avais envie de découvrir ou d’approfondir, des lectures, des rencontres de fortune, ou bien juste par curiosité pour un peuple, un pays… En général, je rends visite à des gens dont je connais un minimum la culture et les pratiques musicales, soit parce que j’en ai au moins entendu parler, soit parce que je suis moi-même déjà investi dans ces musiques. Ces voyages se sont étalés sur plusieurs années, souvent seul et sur plusieurs mois chacun.

L’idée de former un ensemble comme BADILA est venu conjointement aux aventures vécues sur le terrain. A l’origine du projet, cela me permettait de rester en contact étroit avec certaines des cultures qui m’avaient le plus marqué.

Ces pérégrinations m’ont donc d’abord conduit en Afrique saharienne (entre autres, Mauritanie, Libye, Sud Algérie, Egypte…), à la rencontre des cultures et peuples du désert, puis en Inde, au Rajasthan et à Bénarès, où je me suis formé aux tablas. Après avoir laissé tomber mes études en ethnomusicologie et percussions contemporaines, je suis parti travailler chez les tribus agro-pastorales de la Vallée de l’Omo, en Ethiopie, sur un projet de conservation du patrimoine immatériel mis en place par une équipe de recherche du CNRS et de l’UNESCO. De là, je me suis rendu à Djibouti, puis au Yémen, en boutre (ou « sambuk », les embarcations traditionnelles que l’on trouve en Mer Rouge et dans l’Océan Indien).

Là-bas, j’ai eu l’opportunité de m’intégrer à une tournée en tant que batteur, avec des musiciens de jazz européens et des chanteurs yéménites.

Nous étions en 2003. A cette époque, le Centre culturel français de Sana’a (capitale du Yémen) était à la recherche d’artistes pour la programmation du gros événement de l’année suivante : « Sana’a 2004, capitale culturelle du monde arabe ». Je leur ai proposé BADILA, dont j’avais déjà ébauché une première version à Paris. Pour cette occasion particulière, j’imaginais une formation plus aboutie de ce concept, avec notamment Mame KHAN comme chanteur et l’ajout d’une danseuse soufie.

Et ainsi, quelques mois plus tard, en mars 2004, le nouvel ensemble BADILA se réunissait pour la première fois au Yémen. Dans la foulée, j’enchaînais avec la seconde tournée de jazz (« Musical Gazz », suite de la précédente, avec des pointures du jazz européen, la première tournée d’envergure internationale organisée dans ce pays !), puis avec une autre tournée de BADILA en Erythrée, le dernier-né des pays africains, au nord de l’Ethiopie, de l’autre côté de la mer rouge.

Les mois suivants, je bourlinguais entre l’Iran, le Pakistan, puis à nouveau l’Inde. En Iran, par le biais de Jean DURING (LE spécialiste des musiques du monde persan et d’Asie Centrale), je fis la rencontre du musicien qui allait par la suite enregistrer le disque Qalandar Express. Au Pakistan, j’ai sillonné le pays à la rencontre des musiques soufies, faisant le tour des sanctuaires et des villages, allant de pèlerinages en pèlerinages… J’ai également passé du temps au Punjab, à Lahore, continuant mon apprentissage des tablas auprès d’un « Ustad », un maître. Dans le Sindh, je suis resté auprès d’un maître de flûte double alghoza, réalisant ainsi un rêve que j’avais depuis longtemps en tête! En Inde, après un séjour à Srinagar, dans le Cachemire, véritable point de rencontre des cultures perse, indienne et d’Asie centrale, je suis retourné chez Mame et sa famille au Rajasthan. Ce grand voyage s’est soldé par une magnifique tournée de BADILA au Pakistan, où tout l’ensemble s’est retrouvé, venant d’Iran, de France et d’Inde.