Juan Carmona fait partie des meilleurs guitaristes et compositeurs de la nouvelle génération flamenca. Sa musique empreinte de rencontres présente la culture des Suds, bien au-delà des frontières du monde gitan et de la Méditerranée. Toujours en quête d’originalité, l’artiste ouvre, avec cette nouvelle œuvre, les portes de la philharmonie au Flamenco.

    Dès son retour d’Espagne en 1996, après avoir accompagné les plus grands chanteurs et danseurs flamencos et avoir conjugué ses talents à ceux de musiciens d’horizons musicales très diverses (musiques traditionnelles, musiques du monde, jazz, …), Juan Carmona décide d’impulser un tournant à sa carrière.

    Dans le flamenco, la guitare a toujours été un instrument d’accompagnement pour le chant et la danse, sa force puisant plus dans le rythme que dans l’harmonie.

    A contre-pied, la particularité de Juan Carmona demeure dans une musique empreinte d’une grande richesse harmonique. Au cours de son travail d’écriture, lorsque Juan Carmona compose une falseta (variation), il n’entend pas seulement le son des 6 cordes de sa guitare mais tout un orchestre…

    Commence alors la genèse d’une nouvelle ère musicale pour ce guitariste novateur : il se lance dans la création d’une œuvre pour orchestre symphonique afin de donner à sa musique toute son ampleur et lui apporter une dimension nouvelle et originale.

    L’idée est séduisante mais périlleuse : provoquer la rencontre entre deux univers que tout semble opposer, la musique classique dite « savante » et la musique flamenca, qui repose essentiellement sur la tradition orale.

    Innovant et inattendu car pour la première fois les mondes de l’écrit et de l’oral s’entrecroisent et s’enivrent de sons orientaux, andalous et symphoniques.




    Juan Carmona fait part de son projet à Victor Puhl, chef d’orchestre du Brandenburgische Philarmonie Orchestra de Postdam (Allemagne) et lauréat de la fondation Lord Yehudi Menuhin, toujours à l’affût d’expériences nouvelles et osées, dont le souhait est de sortir la musique classique de son conservatisme. Le « bémol » : malgré son long palmarès de prix et de récompenses (1er Prix Paco de Lucia, 1er Prix du Concours International de Jerez de la Frontera, Prix Villa Médicis Hors Les Murs, …) Juan Carmona, comme la grande majorité des artistes flamencos, ne connaît pas le solfège.

    Il manque donc un trait d’union, un « traducteur musical » entre ces deux langages pour coucher l’œuvre sur le papier. C’est au cours des ateliers croisés organisés par l’A.M.I. que Juan Carmona rencontre Rachid Regragui, Directeur de l’orchestre de la Garde Royale du Maroc, dont la connaissance de la musique traditionnelle et de la musique classique est un atout considérable pour ce projet.

    S’ensuivent alors de nombreuses rencontres entre Marseille et Rabat, où les artistes recourent à une méthode tout à fait singulière : la vidéo. Rachid relève la musique que Juan Carmona lui interprète afin de la retranscrire. Cette technique insolite incite l’artiste à entrer dans l’univers de l’écrit et de l’improvisation maîtrisée et lui permettra de mieux mémoriser son œuvre.

    Victor Puhl intègre l’œuvre à son répertoire et programme la Sinfonia Flamenca le 6 mai 1999 au Théâtre Postdam en Allemagne.

    Les répétitions s’avèrent plus difficiles que prévues. L’obstacle majeur : la complexité rythmique du Flamenco et sa difficulté d’interprétation car l’essentiel ne se trouve pas écrit sur la partition mais relève du ressenti : le duende ne s’écrit pas et ne s’apprend pas. Un véritable choc culturel pour les musiciens classiques.

    L’énorme succès remporté lors de cette représentation a convaincu l’artiste Juan Carmona de poursuivre l’écriture de son œuvre. La réussite de ce projet : aujourd’hui plus d’une dizaine d’orchestres étrangers et français parmi les plus prestigieux ont interprété la Sinfonia Flamenca.