17 Décembre 2012
Las simples cosas - chronique CD
Ce CD n’est pas pour moi une découverte, mais une confirmation. L’entretien que j’avais eu avec Guillaume Lopez m’avait déjà révélé un jeune artiste d’une grande maturité, autant musicalement qu’humainement, si tant est que ces deux qualités soient dissociables. Puis j’ai assisté au concert donné le 26 septembre au Mandala à Toulouse à l’occasion de la sortie de cet album, et il m’a paru de toute évidence et de toute nécessité d’en dire quelques mots. Car pour moi la véritable découverte s’est faite ce soir-là, je veux parler de Guillaume en tant que chanteur, littéralement visité par le duende, remontant à la source vive de ses origines hispaniques, à travers une histoire familiale commune à tant de réfugiés de la guerre civile, et insufflant une énergie et une émotion nouvelles à ces chansons apprises de son grand-père José Lopez, dont on entend la voix à la mi-parcours de ce CD, comme un hommage à la mémoire de ces innombrables personnes anonymes, à l’humanité transcendée par les épreuves du combat et de l’exil.
En pleine Retirada, ces chansons étaient sur toutes les lèvres, dans tous les coeurs. Elles participaient autant de la variété que du flamenco, et c’était ambitieux, voire périlleux, de reprendre ces coplas, traitées à l’époque à la limite du kitsch, comme El emigrante de Juanito Valderrama, ou Adios a España et La hija de Juan Simon de l’étourdissant Antonio Molina. Mais Guillaume Lopez ne s’arrête pas là : il va puiser dans la profonde force poétique de cette langue, avec les mots de son ami Eric Fraj dans Milonga del destierro, de Federico Garcia Lorca dans Baladilla de los tres rios, et va porter son regard de l’autre côté de l’océan, avec Las simples cosas et Soledad, de l’immense chanteuse mexicaine Chavela Vargas, disparue en août 2012, avec Lagrimas negras du cubain Miguel Matamoros, Nieblas del riachuelo de l’auteur de tangos Enrique Cadicamo, sans oublier Volver de Carlos Gardel et Alfredo le Pera, et enfin Si me quieres escribir, célèbre chant de la guerre civile. Avec une sobriété exemplaire, un chant généreux et contenu, et avec des musiciens complices, également petit-fils de réfugiés, Morgan Astruc à la guitare et Pascal Celma à la contrebasse, prodigieux l’un et l’autre de sensibilité, d’imagination et de précision, auxquels Guillaume mêle parfois opportunément la chaleur de sa flûte inspirée, ce trio en or nous emmène dans une histoire vraie, des choses simplement humaines, sans fioritures ni effets inutiles. Cela s’appelle l’élégance.
Dominique Regef