La musique Soufie ouverte et plurielle établit ses propres traditions comme l'utilisation de l'instrument mystique daf et de livrets de poésie mystique persane. Elle possède ainsi une grande liberté de composition tout en étant rythmiquement sophistiquée. Elle s'inspire de pratiques ethniques ancestrales et liées à des croyances. La révolution islamique de 1979 a contribué à une renaissance de la musique classique perse de laquelle ont émergé des célébrités nationales et internationales. Bien que la révolution ait entraîné la popularité de la musique classique, la musique et l'islam n'ont pas toujours fait bon ménage et beaucoup d'Iraniens très conservateurs ne voyaient pas d'un bon œil même les mélodies et les paroles les plus simples. Le rôle des femmes dans la musique a ainsi été réduit à l'occasion de la révolution, il leur a été désormais interdit de chanter en public tout en étant toutefois autorisées à jouer d'un instrument. « No land’s Song » (« Une terre sans chansons » de Ayat Najafi prix du meilleur documentaire au Festival des films du monde de Montréal et en présentation au festival de Cannes 2016) récemment projeté à Paris en Mars dernier et dont sa sœur Sara interprète le rôle principal relate de nos jours encore l’extraordinaire difficulté que les femmes Iraniennes rencontrent pour exprimer librement leur art en public. L’ensemble Pouya créé au sein du centre culturel Iranien de Paris et son fidèle émissaire Abbas Bakhtiari , magnifique joueur de daf, acteur, compositeur de musiques de film (Vengo et Exil de Tony Gatlif), cinéaste (long métrage/ ZolmAbad) se produisant dans le rôle principal en ces jours dans la « Tempête de shakespeare » ont décidé d’inviter la chanteuse Iranienne Sara Hamidi pour soutenir le combat légitime des femmes Iraniennes .
Un hommage au grandes voix de femmes d’Iran, instant très attendu d’ Autres Rivages pour la clôture de cette 21ème édition.
ENSEMBLE POUYA/// Sara HAMIDI Chant / Abbas BAKHTIARI Daf, Chant / Navid SAEIDI Tar / Mehdi BAHRI Santour, Chant / Saber HEMATI Kamanche/

Sara HAMIDI

Sara Hamidi : Née en 1987 à Ispahan elle commence l'étude du Radif chanté (le répertoire de la musique classique iranienne) avec Maédeh Tabatabaei, une des élèves de M.R Shajarian, le maître de chant actuel en Iran, durant 6 ans Remarquée pour son grand talent et le timbre de sa voix, elle intègre très vite les groupes de musique telle que Chorale d’ Ispahan. Mais vu les conditions politique et religieuse interdisant la voix de femme en tant que soliste, Sara Hamidi comme toute autre chanteuse du pays, ne peut pas se produire en dehors d'une chorale ou un duo vocal. Elle quitte alors l'Iran en 2012 pour s'installer en France où elle peut développer son art en collaborant avec des différents ensembles et chanter en toute liberté. En effet depuis son arrivé elle a participé à des concerts privé ou publique à Paris tel que: à Institut du monde arabe, à l'ambassade de l'Afghanistan (concert A l'occasion de journée mondiale de la femme), A coté de son activité autours de la musique iranienne, elle s’est inscrite à conservatoire national de Saint-Maur pour étudier le chant classique occidental et l’opéra.


Abbas BAKHTIARI

Abbas Bakhtiari est né en 1957 à Bandar Shahpour, dans une famille Lor établie sur les rives du Golfe persique.
Il a été initié dès son enfance à la musique traditionnelle par son père (Javad Bakhtiari), maître de la flûte ney et de la zorna (bombarde). Maître Hamdawi lui a également enseigné le Tonbak.
Installé à Paris depuis 1983, il a continué à affiner sa connaissance de la musique savante persane en suivant les cours de chant de Hosseïn Omoumi, maitre de chant et de ney.
Il a poursuivi sa formation de chant classique avec le chanteur soufi d’origine kurde Shahrâm Nâzeri et a joué avec lui et d'autres musiciens iraniens dans les festivals internationaux de musique.
Il a aussi accompagné d'autres musiciens internationalement connus comme : Sheykh Ahmad Al-e Tony, chanteur Soufi d'Egypte, Tomatito, guitariste espagnole et des ensembles de musique : français, brésilien, australien et kurde.
Depuis 1990, il pratique le daf, dont il a acquis seul la pratique et dispense des cours à Paris, au centre culturel Pouya dont il est aussi responsable.
Abbas Bakhtiari est présent sur plusieurs disques, enregistrés avec des musiciens iraniens mais aussi arméniens (le CD "Yerso" dans lequel il a joué du Daf, Tonbak et Dohol"), français, égyptiens et espagnols.
Son autre CD de musique mystique kurde a été enregistré avec Ali Akbar Moradi au Tanbour, et Kourosh Moradi au Tonbak et Daf, avec la coopération de la Maison des Cultures du Monde et soutenu financièrement par le Ministère de la Culture.
En ce qui concerne la présence de la musique iranienne dans les festivals internationaux, Il a joué un rôle très important. Aussi,
Dans le dernier CD de Dariush, chanteur célèbre de la musique pop iranienne qui chante les poèmes de la poétesse de renommée Simin Behbahani, Abbas Bakhtiari était à la percussion.
Bakhtiari a composé la musique du CD "Mastan" (musique légendaire et mystique iranienne), en vente actuellement. Pour la composition de cette musique, il est inspiré par la tradition, la philosophie et la culture du peuple kurde résidant en Iran.
Bakhtiari, malgré des années d'exil, a essayé brièvement de décrire son chagrin dans le cadre des créations musicales.
Il a participé en tant que comédien à plusieurs longs métrages : "Vengo" et "Exiles" de T Gatlif, "Here to where" de G Lechford, "Maman est folle" de Jean Pierre Ameris, "Les femmes sans hommes" Shirin Neshat (2007).
Il a composé la musique de film "Exils" en compitition de festival de Cannes et "Deux anges" semaine internationale de la critique à Cannes.
Il a composé la musique de film « GAZASTROPHE » de Samir Abdoullah (2010)
Il a fait ses études de cinema à l’Université de Paris VIII.
Concerts : Théâtre de la ville (Paris), Festival musique du monde Italie, Espagne, Norvège, Suisse, Tunisie, Maroc, Turquie, Angleterre, France 2009- 2014
" ZolmAbad" est son premier long-métrage de fiction pour le cinéma.
"La tempête de shakespeare" Amsterdam – 2014
2015-2016 Plusieurs festival musique du monde U.s.a., Suisse, France, Turquie. Spain
2016- « La tempête » de Shakespeare - Varsovie (Pologne)


Biographie : Navid SAEEDI

Né le 04 février 1983, à Téhéran en Iran, Navid SAEEDI est attiré par la musique dès son enfance. Passionné par cet art, il commence à l'âge de 12 ans l’étude du Târ (Luth persan) avec Hamid Pourafzal. Ses progrès sont tellement rapides qu’après 2 ans, ce dernier le présente au grand maître du Târ Keyvan Saket. Il continue l’étude du Târ avec Keyvan Saket et commence aussi l’apprentissage du Setâr en parallèle. Pendant 8 ans, il apprend différentes techniques et styles de jeu, et maîtrise divers répertoires de la musique persane. Il a l’opportunité d’enrichir ses connaissances et ses expériences avec d’autres maîtres de la musique persane tels que Houshang Zarif, Hossein Alizadeh, etc. A l’âge de 19 ans, attiré par la composition, il suit différents cours (harmonie, contrepoint, orchestration,…) tout en continuant ses études de Târ et de Sétâr. Depuis l’année 1998, alliant les deux rôles de joueur et de compositeur, il a travaillé avec différents groupes de musique notamment l’Orchestre Vaziri, l’Orchestre Baran, l’Ensemble Chakameh, l’Ensemble Arghavan, l’Ensemble Avish,… en donnant plusieurs concerts dans différents pays du monde. Depuis quelques années, il a fondé l’Ensemble Sarmast qui apporte une nouvelle vision et interprétation de la musique persane au public. A part l’Ensemble Sarmast, Navid SAEEDI collabore aussi avec d’autres groupes et orchestres en tant que compositeur et joueur de Târ et de Sétâr. Ces collaborations ont donné lieu à plusieurs concerts dans différents pays du monde.


Mehdi BAHRI

Passionné par la musique dès l’âge de 7 ans, il commence l’étude du Santour (tympanon à cordes frappées)  et approfondie l’apprentissage des différents styles d’interprétation de cet instrument auprès du maitre Ali Bahrmi Fard. Il s’est installé en France en 2006 pour compléter ses études d’ingénieur génie civil. En parallèle, il a continué ses activités artistiques et a donné de nombreux concerts en Europe  en collaborant avec plusieurs orchestres de musique classique et traditionnelle, notamment orchestre azuréen de Nice, ensemble Pouya, ensemble Bahar, ensemble Chakameh etc. Il mène également des recherches sur l’origine et l’histoire de la musique iranienne et les différentes écoles qui la composent.


Saber HEMMATI

Musicien, peintre et illustrateur iranien, Saber Hemmati est diplômé des Beaux-arts de Téhéran.
Il étudie le Tombak (percussion iranienne) dès l’âge de onze ans et continue ses études de musique chez son oncle Behrouz Hemmati, maître de târ et Setâr (lut). En 2003 il se consacre à l’art du Kamântcheh (violon perse) chez Mohammad Moghaddassi et poursuit chez Saeed Faradjpouri (2005-2007).
Il se produit dans plusieurs villes d’Europe avec l’Ensemble Sarmast à Paris, Berlin et Hambourg et intègre l’Ensemble Shirâz en 2013.


LA MUSIQUE PERSANE

L ‘origine de la musique persane remonte à l’antiquité. En faire une étude systématique est difficile à cause de la disparition des bibliothèques de l’ancien empire persan par des pillages et destructions, causés pendant les invasions des Grecs (3000 a.c), des Arabes (7e siècle), des Mongols (13e-15e siècle) et des Afghans (18e siècle).
Les liens entre les musiques grecques et persanes sont peu connus, ainsi que l’influence que celle-ci a exercée sur la musique grecque. Mais lors de l’invasion des Arabes en perse, ils y trouvèrent un art musical plus raffiné que le leur et des instruments plus perfectionnés. La musique qui a ensuite été diffusée par les Arabes , jusqu’en Espagne, était en fait pour la plus grande partie de la musique persane.
Cet art musical, transmis oralement, est en premier lieu modal et monophonique, mais loin d’être simple, à cause de sa modalité complexe et de son ornementation compliquée et subtile.
L’ensemble du répertoire traditionnel est appelé « radif » et ce radif comporte environ 400 modaux « gusheh-ha »(au singulier « gusheh » pièce de musique). Il y a 12 groupes modaux, « dastgah-ha »(au singulier « dastgah », organisation), avec 7 groupes principaux et 5 dérivés appelés « avaz »(chanson). Un dastgah consiste en quelques gusheh-ha variable, les séquences mélodiques qui peuvent être assez courtes et qui se suivent dans un ordre particulier. Ces gusheh-ha peuvent parfois quitter les échelles des sons de base du mode principal mais y retournent régulièrement, certainement pour clôturer un morceau.
Une grande partie de la musique a un lien précis avec la poésie et la plupart des gusheh-ha proviennent des arts plastiques d’Iran.
De vieux tableaux montrent parfois plusieurs musiciens qui jouent ensemble sur différents instruments, et aussi des poèmes y font allusion, mais leur jeu d’ensemble était très probablement non harmonisé : les deux éléments dominants dans cette musique sont la mélodie décorée et la rythme .
Le système de musique persan n’est pas tempéré et les intervalles peuvent aussi bien être plus grands ou plus petits que des tons nourris ou que des demi-tons (il n’y a donc pas de vrai quart de ton).
La précision des intervalles d’un mélodie est un des éléments qui donnent à la musique persane sa grande valeur émotionnelle. La forme mélodique est , en générale, très simple. L’art résulte de la manière selon laquelle la mélodie est jouée, décorée avec ornements qui mènent parfois à une complexité rare .
Comme dans pratiquement toute la musique orientale l’improvisation joue un grand rôle, mais selon des règles déterminées. Le musicien persan est en même temps théoricien, réalisateur et artiste créateur .

Le daf : définition, origine, usages
Donnons tout d’abord la définition que donne de l’objet le dictionnaire de la langue persane de Mohammad Moïn (référence comme le Larousse ou le Robert) : « instrument constitué d’un cadre circulaire sur lequel est tendu une peau et dont on joue en le frappant avec la main. Le jeu repose sur la production de sons diversifiés qui s’obtiennent par des frappes avec le bout des doigts ou la paume de la main. A l’intérieur du cadre en bois sont fixés en chaîne des anneaux métalliques qui produisent des sons en fonction de la position de l’instrument et de l’intensité de la frappe. L’instrumentiste est nommé DAFZAN » (littéralement : “frappeur de daf”, celui qui fait sonner le daf)
On joue en Iran deux types de daf dont les dimensions sont relativement orthonormées : le daf commun, au diamètre de 45 à 55 cm et la profondeur de 5 à 8 cm, et le daf kurde, plus imposant, de 65 à 75 cm de diamètre sur 10 cm de profondeur. Sous son apparence fruste, il est composé de minimum quatre éléments, souvent cinq ou six, et sa fabrication requiert divers savoir-faire :
-     Le cadre est constitué d’une fine bande de bois dont l’épaisseur ne dépasse pas 1 cm, délicatement biseautée pour ne pas excéder 3 mm du côté où la peau est tendue, pour que le son soit le moins possible assourdi. Une petite échancrure plus ou moins profonde est pratiquée dans l’arrière du cadre pour y placer le pouce. On distingue deux types de cadre : le yekameh requiert une seule couche de bois ligaturée et collée bout à bout ; le dokameh fait se chevaucher les deux bouts sur au moins 5 cm qui évite la déformation du cercle sous la pression de la peau.
-     La peau est tendue de manière à revenir sur toute la surface du cadre. Toutes les peaux conviennent, on rencontre même des peaux de poisson, mais il est acquis que les peaux de chèvres, brebis et gazelles qu’on a laissé vieillir rendent le meilleur son.
-     Tout le pourtour de la tranche est semé de clous de cuivre qui assurent la tension régulière de la peau et donnent un effet décoratif appelé « gol mikh » (fleur cloutée).
-     Des crochets de laiton, de cuivre ou d’acier sont fixés à l’intérieur du cadre pour y accrocher les anneaux. La distance entre la ligne des crochets et la peau est de l’ordre de 3 à 3,5 cm et l’intervalle entre chaque crochet est de 3 cm.
-     Les anneaux d’un diamètre de 2 cm sont de préférence en laiton mais peuvent être de même métal que les crochets. Chaque crochet en supporte quatre, les deux premiers en chaîne, les autres attachés au second.
-     Pour le confort de l’instrumentiste, dont la prestation peut durer en continu sur plusieurs heures, il arrive que l’on fixe à l’intérieur du cadre une lanière de cuir qui s’enroule autour du poignet de la main gauche assurant un maintien continu moins fatigant.
Le daf autorise une grande diversité de timbres et génère des climats variés selon qu’il est frappé, frotté ou secoué, s’il est orienté de biais, tenu verticalement, vigoureusement secoué, faiblement agité horizontalement ou animé d’ondulations amples. Ces différences tiennent aux différentes intensités des vibrations métalliques émises par les anneaux suspendus à l’intérieur du cadre.
Bien que les avis divergent sur l’origine géographique de cet instrument autant que sur l’aire linguistique à laquelle il convient de rattacher le mot, on peut être certain d’une provenance mésopotamienne : la trace la plus ancienne du terme est „dûb” dans la langue sumérienne, que l’on retrouve dans l’akkadien „dûppû” ou „tûppû”. Pour les tenants d’une origine sémitique, on retrouverait dans l’araméen „dûp” la racine hébraïque „tef” qui a le double sens de « frapper » et « couper ». L’encyclopédie Grove rapporte pour sa part l’étymologie de daf à l’hébreu „taph” et, donnant une origine séfarade à sa généralisation, explique qu’en Espagne le mot s’est conservé sous la forme „adouf”. Les termes arabes „doff” puis „daff” qui en dérivent recouvrent exclusivement la production de sons par des percussions. À l’inverse, certains linguistes iraniens avancent que la racine indo-iranienne tap qui renvoie au sens de « donner un coup »– et se rapproche des termes français taper et anglais tape - serait à l’origine des noms d’instruments aussi divers que daf et tanbûr (luth)…
Fondées ou non, ces diverses étymologies renvoient à l’ancienneté de l’instrument et corroborent l’hypothèse qui prévaut quant à l’origine de la musique : la plus ancienne des manifestations d’activité musicale aurait été la production de sons par percussions, d’abord sur des pots de terre cuite, sur des troncs d’arbres évidés puis sur des peaux tendues. Selon une tradition rattachée à la culture de l’Iran antique, l’annonce du nouvel an et le lancement des festivités qui accompagnent cette transition se faisaient au son du daf. On sait que la dynastie sassanide (224-651 de notre ère) affectionnait les groupes de percussionnistes qu’elle représentait sur sa vaisselle et sur bon nombre de bas-reliefs.
Sur quelques-uns uns, plus anciens que cette dynastie, figurent des groupes de musiciens qui, au-delà de l’ancienneté et l’authenticité de cet instrument, attestent de la pérennité de ses dimensions et de la façon dont on en joue. Alors qu’il semblait avoir disparu depuis environ un siècle, le daf a retrouvé au cours de la dernière décennie sa place dans la musique populaire d’agrément. Cette mode tient à la redécouverte du patrimoine musical des régions et des minorités ethniques. Car, dans les provinces de Kermân, Yazd, Kurdistan et Kermânchâh, le son du daf n’avait jamais cessé, à travers l’épopée, d’être associé à la révolte, l’affliction, la détresse, la passion amoureuse. Relayées par les percussions tâs et dohol, le luth tanbûr et la flûte shemshâl, les résonances puissantes du daf y soutiennent des chants en langues locales et parfois en persan, surtout interprétés à l’occasion de réunions en plein air consacrées à la danse et l’expression des passions profanes.
Mais le daf revendique bien plus que cette couleur champêtre, car il est, depuis au moins huit siècles associé au samâ’ : le concert spirituel des confréries soufies. Son rythme règle l’ordre des cérémonies des derviches. Il détermine l’ordre des chants comme s’il leur était antérieur et en quelque sorte supérieur.